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La CEDH et l'absence de discrimination pour des allocations familiales conditionnées par une résidence légale sur le territoire

La condition d'éligibilité aux allocations familiales que le parent soit légalement résident est-elle discriminatoire à l'égard des demandeurs qui sont légalement présents dans l'Etat mais n'ont pas encore obtenu le droit de résider dans l'Etat ?  Dans l'affaire X et autres contre Irlande du 22 juin 2023 la CEDH a décidé, à l'unanimité, qu'il n'y avait pas de discrimination. Les faits de l'affaire  X et autres contre Irlande  Les faits Le première requérante est une ressortissante du Nigeria, arrivée en Irlande en 2013.  Un an plus tard, elle a fait une demande d'asile, rejetée en août 2015. Dans l'intervalle, le 23 décembre 2014, elle a accouché d'une enfant dont le père est citoyen irlandais, ce qui a donné à la requérante accès au système de fourniture directe d'un hébergement et d'une aide matérielle aux demandeurs d'asile. Le 11 septembre 2015, la première requérante a demandé un droit de résider en Irlande au motif q

La jurisprudence récente de la CEDH sur la question du statut des couples homosexuels

La CEDH développe sa jurisprudence sur la protection des personnes homosexuelles notamment dans leur vie familiale.  La question de la reconnaissance et de la protection des couples de même sexe est une question devenue centrale pour les sociétés démocratiques et la Cour européenne des droits de l’homme, qui développe beaucoup sa jurisprudence protégeant le droit à la vie familiale des couples de même sexe. Depuis plusieurs années cette question se retrouve utilisée par certains Etats, notamment pour justifier plus largement le rejet d’un modèle fondé sur le respect des droits de l’homme et l’Etat de droit. La passivité voire l’agressivité de certains gouvernements face à la jurisprudence européenne protégeant les minorités sexuelles questionnent l’idée de la réalité de communauté de valeurs sur laquelle le projet européen est construit.  D'abord, il faut relever l’arrêt Callamand c. France du 7 avril 2022, qui constate la violation de l’article 8 en raison du rejet par les juridic

La jurisprudence de la CEDH sur la liberté d'expression des magistrats : l'affaire Ayşe Sarısu Pehlivan c. Turkiye

La protection de la liberté d'expression des magistrats malgré leur devoir de réserve  L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme protège la liberté d'expression, un droit qui, bien qu'il ne soit pas absolu, est fondamental dans une société démocratique. Les limites à ce droit doivent être "nécessaires dans une société démocratique" et, pour être considérées comme telles, elles doivent répondre à un "besoin social impérieux". Cette formulation a permis à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) d'interpréter l'article 10 d'une manière qui donne une large place à la liberté d'expression tout en reconnaissant qu'il peut y avoir des circonstances spécifiques qui justifient des restrictions.   Lorsqu'il s'agit de magistrats, la CEDH a maintenu que leurs droits à la liberté d'expression peuvent être soumis à certaines restrictions supplémentaires, compte tenu du devoir de réserve qu

La CEDH et la régulation de la liberté d'expression en ligne : responsabilité pour des commentaires sur son mur Facebook (affaire Sanchez c. France)

Etre condamné pénalement pour des commentaires laissés sur sa page Facebook n'est pas contraire à la liberté d'expression Rappel de la procédure français et première décision de non-violation de l'article 10 par la CEDH (décision de chambre) Dans le contexte de l'affaire en question, M. Sanchez, qui était à l'époque maire de Beaucaire et président du groupe Rassemblement national au Conseil régional d'Occitanie, et candidat du Front national aux élections législatives de la circonscription de Nîmes, s'est retrouvé en conflit avec F.P., son adversaire politique et député européen. M. Sanchez a publié un post sur son compte Facebook public à propos de F.P. le 24 octobre 2011, qui a par la suite reçu des commentaires de tiers, S.B. et L.R. Leila T., compagne de F.P., a pris connaissance de ces commentaires le jour suivant et se sentant offensée par leurs tonalités supposées racistes, elle a immédiatement confronté S.B., qu'elle connaissait personnellement,